Séville pédale plus pour respirer mieux

La rédaction
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Durée de lecture : 7 minutes

120 km de piste cyclable, voilà de quoi faire rugir les conducteurs de voitures, interdits de parader plus de 45 minutes dans le centre-ville de Séville. Et de quoi placer Séville parmi les villes pionnières en terme de piétonisation et de liberté de pédaler. Tout le monde est-il gagnant ?

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Les sonnettes des vélos se confondraient presque avec celle du tramway. Avenue de la Constitución, un après-midi ensoleillé comme tant d’autres à Séville, où piétons, cyclistes et tramway cohabitent sans heurts. Les deux roues à pédales sont partout, qu’ils soient rouges et blancs aux couleurs de Sevici, le service municipal de vélos de la capitale andalouse, ou ceux des particuliers que les Sévillans utilisent pour parcourir les quelques 120 kilomètres de pistes cyclables de la ville.

La « piétonisation », une petite révolution

La ville de 700 000 habitants réunit toutes les conditions pour prendre son pied à vélo. Une météo clémente, une pollution réduite (tout du moins en apparence…), et par chance très plane, ce qui évite bien des fatigues dans les montées. Ça, c’est pour les avantages innés. Mais il y a aussi les acquis : depuis 2005, la municipalité de Séville s’est lancée dans un vaste projet ayant pour but de rendre le centre historique entièrement piéton. Du coup, tramways, métro et vélos ont peu à peu remplacé les voitures dans le centre, qui, à part pour les résidents, ne peuvent pas circuler plus de 45 minutes dans le centre ville historique.

Derrière le jargon d’urbanistes « piétonisation » se cache l’idée d’une réappropriation de l’espace par ses citoyens, d’une mobilité et d’une sécurité accrue, et évidemment d’une réduction majeure du bilan carbone de la ville. Londres, Copenhague et même New-York réservent désormais certaines parties de la ville aux seuls piétons ; Séville a fait le pari risqué de rendre tout son centre-ville piéton ! La ville est donc naturellement devenue une ambassadrice du vélo. En 2011, elle a accueilli l’événement Vélo City, un cycle de réflexion sur l’utilisation des deux roues en milieu urbain. Sur le site de l’évènement, on apprend qu’en deux ans, la ville est passée de 6 000 utilisations de vélo quotidiennes à 66 000 !

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Les deux roues municipaux refusés aux banlieusards

Le succès de Sevici instauré en 2004, n’a donc rien d’étonnant. « Il y a énormément de pistes cyclables, c’est rapide et vraiment économique », résume José David Muñoz de la Torre, responsable du développement des pistes cyclables pour la ville de Séville. Le voilà l’argument ! A 25 euros l’année pour la location d’un vélo Sevici, ce prix séduit tout le monde… Surtout en temps de crise. Lors du débat « Piétonisation du centre-ville : une polémique économique durable ? » organisé le 2 avril par cafebabel.com à Séville, Alejandro Cuetos Menendez, membre du collectif Ecologistas en Accion, a salué ce système de vélo municipal : « Sevici est une chose formidable, il faut poursuivre les efforts et aller plus loin. Il faut exporter les vélos aussi en banlieue. Les besoins sont réels là-bas. »

C’est justement ce qui coince. Le succès du Sevici ne dépasse pas les frontières du centre-historique de Séville. La raison ? Un niveau de compétence différent : « Le Sevici est financé à 100% par la municipalité de Séville. Le gouvernement régional d’Andalousie ne nous aide pas. Etant donné que le financement provient exclusivement de la ville de Séville, il appartient aux autres municipalités andalouses d’investir elles-mêmes dans la location de vélos », explique José David Muñoz de la Torre. Contrairement à ce qu’a fait le Vélib à Paris, en déployant les bornes de vélos jusque dans les villes de banlieue avoisinantes, il n’y a ici aucune synergie entre le centre-historique si prisé par les touristes et les alentours où vivent la plupart des Sévillans. Les banlieusards, n’ont donc plus qu’à utiliser leur voiture, le bus ou l’unique ligne de métro qui reste à l’heure actuelle assez inaccessible (1,60€ le ticket).

La longue marche du vélo à Séville

Si les bicyclettes sont présentes partout sur le bitume sévillan avec 250 bornes tous les 300 mètres, la transition ne s’est pas faite sans heurts. Dix ans plus tôt, quand Chiara était en Erasmus à Séville, « les vélos n’étaient pas les bienvenus dans le centre ville. Il était très difficile pour les cyclistes de faire du vélo, tant la cohabitation avec les voitures était extrêmement difficile, se souvient la photographe italienne. Je suis agréablement surprise du changement aujourd’hui. » C’est aussi le cas des habitants du centre. Agustin Irissou milite depuis près de 25 ans pour faire du vélo un moyen de transport comme les autres dans l’association A contramano. « C’est au prix de luttes et de discussions musclées avec la municipalité que Sevici est né. Des manifestations – au moins quatre par an – et des rendez-vous avec la ville ont eu raison de notre acharnement. Notre message a enfin été entendu », se félicite-t-il.

Et ce par les deux bords politiques : « Si il y a quelques années, le Parti Populaire (Droite libérale espagnole) ne s’aventurait pas trop sur ce sujet là, depuis les choses ont changés. Les responsables politiques sévillans savent bien qu’aujourd’hui, le vélo est incontournable », analyse le militant. La preuve la plus évidente était la présence d’un militant de Nuevas Generaciones, (l’organisation des jeunes du Parti Populaire, de droite) au débat organisé par cafebabel.com Séville, invitation à laquelle Juventudes Socialistas (l’organisation des jeunes du PSOE, de gauche) n’a pas répondu. A l’approche des élections municipales qui se tiendront à la fin du mois de mai en Espagne, où le parti de Zapatero est donné grand perdant, on peut s’attendre à ce que le modèle sévillan donne des idées aux autres communautés espagnoles.

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