Les délits mineurs et le taux de chômage (17,6 %) sont élevés dans le centre-ville de Bruxelles, où le taux de crimes violents est bas, comparé au reste de l’Europe. Pourtant, le 15 février dernier, la police a arrêté douze Belgo-Albanais soupçonnés d’appartenir à une bande organisée* ; et certains quartiers de la capitale demeurent dangereux. La faute à la crise ?
En tant que journaliste enquêtant sur les crimes à Tirana, je passe mes journées sur des scènes de meurtre et dans des tribunaux à écrire des articles à propos de l’omniprésence de la drogue, de la prostitution, et des meurtres dans toute la ville. A Bruxelles, les délits sont monnaie courante dans au moins trois grands quartiers. Après tout, la capitale, ce n’est pas seulement les immeubles, la Place de Luxembourg, et la Grand Place ; c’est également Schaarbeek, Anderlecht et Sint-Jans-Molenbeek. Ce sont surtout des immigrants qui habitent dans ces trois quartiers du nord et de l’ouest de la ville ; environ 80 000 sont Arabes et Africains, alors qu’en Belgique, au moins trois criminels sur cinq sont d’origine étrangère.
Schaarbeek : aux marges du droit
En tant que journaliste enquêtant sur les crimes, j’ai appris à reconnaître un visage. Je vois ces visages en entrant dans Schaarbeek en milieu d’après-midi. Il n’y a pas grand monde au nord de Bruxelles, mais ce sont principalement des Turques, des Marocains, et des Africains. A l’ouest, à Molenbeek, des habitants ont attaqué des voitures de police à coup de cocktails Molotov et de pierres ; lors des émeutes de septembre 2009, la police a même été bombardée avec des bouteilles de gaz. Des vidéos diffusées sur Internet montrent la police en train de surveiller la rue qui mène à Molenbeek, et d’arroser la foule avec de l’eau.
Anderlecht semble être le quartier le plus dangereux ; début février l’Institut Supérieur Industriel de Bruxelles a déménagé son campus du quartier à cause des agressions de plus en plus fréquentes sur ses étudiants. Les chiffres officiels de la police belge indiquent que les délits mineurs sont en augmentation sur les six premiers mois de l’année 2009. La police recommande aux habitants de ne pas quitter leur domicile à cause des risques de cambriolage. « On m’a volé mon antenne télé quand je suis parti quelques jours avec ma famille » raconte un immigré albanais de Scharbeek. Il habite ici depuis des années, et fait partie des 30 000 à 60 000 Albanais qui vivent en Belgique. « La plupart du temps, on n’est pas très bien informé. Avant, j’habitais à Molenbeek, et j’ai vu quelqu’un massacrer trois personnes avec un couteau de mes propres yeux. Personne n’en a parlé dans les journaux, et la police n’a rien communiqué à propos de ce crime. » Je ne trouve pas de réponse officielle quant aux raisons de cette augmentation des délits, mais ce retraité pense que c’est en partie à cause de la crise. « En 2009, beaucoup d’immigrés albanais, arabes et turques ont perdu leur travail à cause de la crise ; ils sont les premiers à être virés ou à voir leurs salaires baisser. »
Bruxelles côté trottoir
Dans la Rue d’Aerschot, l’industrie du sexe doit également faire face à la crise économique. « Beaucoup de gens viennent ici et dépensent de l’argent, mais il y en a de moins en moins » explique une travailleuse du sexe bulgare de 19 ans qui est arrivée il y a un an. D’autres filles confirment qu’elles gagnent moins qu’avant. Pendant des années, ce quartier a été le refuge de l’économie locale, mais à présent, même ce « secteur » est en déclin. En tant que journaliste enquêtant sur les crimes, je n’ai pas souvent l’occasion d’écrire des fins heureuses en Albanie, un pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne ; mais il semblerait que dans la capitale bureaucratique de l’Europe, il n’y ait pas non plus beaucoup de fins heureuses.
*Ils ont été arrêtés pour trafic d’armes et pour possession de dynamite, de C4, et uniformes de la police albanaise, dans le cadre d’une enquête qui remonte à 2008.